Kinsue ne réagit pas comme tu le voudrais. Il se contente de te montrer son doigt le plus grand... Tu tilts. HEEEEY L'ASIAT, TU DEVRAIS PLUTÔT MONTRER TON AURICULAIRE ! Bon, ce n'était pas discriminatoire mais cette pensée te fit plutôt rire que pleurer. Mais la suite des événements te plut bien moins. Tes éclats de rire s'atténuaient. On parlait de nouveau de Destiny. Tu eus un instant de panique, le cœur battant et les poils s'irisant puis déglutis finalement. Ce geste marque la fin de tes réactions. Tu lèves les yeux pour apercevoir une fille s'approcher, même deux. Tu ne les connais pas mais les trouvais de toute manière... Singulières. Elles étaient toutes les deux bizarres, vraiment. Elles voulaient partir à la recherche de la blonde mais l'une d'entre elle ne savait même pas son nom... Tu soupires. Hors de question que tu y ailles avec. Baissant les yeux, tu ne pipes mot, te contentant de montrer à quel point tu étais exténuée de tout ce blabla futile. Tu as presque envie de pleurer rien que de voir la peur de certains. Parce qu'au fond, toi aussi, tu es effrayée... 


« Dîtes... Et si rien ne s'arrange ? »


Tu écarquilles les yeux pour ensuite te tourner aussi activement que jamais. Hein... ? Tu n'en crois tout simplement pas tes oreilles. Illusion. Illusion. Oui, c'est cela, tu hallucines, complètement. Ta frayeur te fait croire n'importe quoi. Cependant, alors que tu commences à te dire que tu délirais complètement, la mine abattue et le regard rivé au sol du blond te soufflent que ce n'était pas une fantasque hallucination de ta part. Ton cœur rate un battement. Et si le plus optimiste d'entre vous commençait déjà à perdre espoir... Qu'adviendra-t-il de vous ? Tu te diriges vers le jeune homme, les yeux larmoyants. Puis, ébouriffant néanmoins délicatement ses cheveux de ta main droite, tu chasses promptement la larme qui caresse d'abord tes joues de ton autre membre valide. Tu ris doucement, d'une faible intonation. Les prunelles rieuses.


« Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes, vieux poussin ? Si rien ne s'arrange, cherche ce qui pourrait te donner plus de plaisir, fais-toi à l'idée que tu dois l'avoir et profites-en une fois qu'il est acquis ! Si tu vois le mal partout dans cette obscurité, ne t'embête pas à retrouver ta lumière et fonces plutôt jouir de ce que ce mal offre. Tu ne sais pas pourquoi tu lui dis tout ça, ni comment puisque cela ne te ressemble guère mais, décidant de calmer la tension, tu écoutes ton instinct qui te murmurait de... BREF, ALLEEER, J'AI FAIM ! On va tous les quatre chercher Destiny au passage, neh ? »


Tu as arrêté de taquiner ses mèches blondes. Désormais, tu lui souris de toute tes dents, un peu gênée, en lui tendant ta main afin qu'il se relève. Dargee ne devait pas culpabiliser ou se sentir inutile. Parfois, les actes faisaient tout, traduisaient tout, ou se trompaient sur tout. D'autres fois, seule la béatitude que l'on pouvait essayer d'imiter était un précieux facteur. Dargee avait cette attraction, cette présence qui rassure. Tu voulais le voir briller, ce garçon là, ce gamin qui se plaignait quelques fois un peu trop. Tu veux qu'il soit là pour vous tous. Qu'il soit lui même, tout simplement. Alors, au vent ces soucis primaires, tu n'étais pas claustrophobe, ni imbécile. Tu regardes Soul, baissant les yeux, ruminant presque ; 


« Tu veux rester avec l'infirmier ou chercher une blonde ? Je t'autorise à rester ici mais ça ne sera qu'un malus de plus. »

Alors que tu restes impassible, à regarder la blonde à l'allure peu recommandable, tu aperçois au loin une... Forme bleue, bougée, avec une sorte de luciole dans les mains. Elle te déconcentre, tu penches la tête, muette, clignant plusieurs fois tes yeux. Cette forme humaine braille, se vante ; tu crois connaître cette façon de s'exprimer à l'égard des autres. Tu arques un sourcil en plissant les yeux, t'avançant légèrement, te disant que ce n'était certainement pas ce que tu croyais. Puis, là, tu le reconnais. Un pruneau se dressait devant toi. Tu pouvais certes le trouver ridicule, même pathétique, mais ce spectacle qu'il vous offrait te faisait rire malgré toi. Ce type était un vrai con, vraiment. Alors, en riant toujours aux éclats, tu te moques intérieurement de lui quand sa seule source de lumière s'éteint, emportant avec lui la fierté qui l'emplissait. Dans ton fion. Puis, alors que tu veux l'interpeller, il se volatilise déjà... Soupirant, tu te forces à sourire, songeant qu'il était inutile. De ton côté, l'angoisse semblait s'estomper, petit à petit, doucement mais sûrement. Mais un insupportable sifflement te traversait la tête depuis quelques instants. Agaçant, exténuant, tu te masses les tempes, fermant tes paupières en grimaçant. 
C'était quoi ce délire... ? 

Un hurlement. Ce long cris te glace le sang.
Tu te raidis, reprenant un rythme cardiaque beaucoup trop accéléré. Une goutte de sueur froide dessine un fin chemin sur ton front. Tu n'oses plus bouger, les yeux demeurant inertes, baissés. Mais vite, trop vite, vraiment trop vite, une odeur de rouille immonde te chatouille les narines. Sans savoir pourquoi, tu commences à avoir les mains moites, flairant douloureusement ce fluide rougeâtre. Alors, peut-être effrayée, des larmes perlent ; tu ne les essuies pas. Plusieurs murmures te viennent, venant jouer avec tes pensées déjà chamboulées. Mais, sans doute trop peureuse, tu n'oses pas les écouter. Malheureusement, stupide curiosité, lubie irréfléchie : qu'importe, tu te mets à te retourner, tout doucement. Trop lentement. Ta nonchalance voulait tout dire : tu n'avais pas envie de voir, d'accroître tes cauchemars ou encore de confirmer les dires d'autres. Mais incontrôlable, indépendant, ton corps pivote tout seul, échappant à l'autorité de ta conscience qui t'hurlait de t'enfuir depuis le début. Étrangement, tu aurais dû l'écouter, te soumette à cette voix. 

Du sang. Un cadavre. Qui ? Nul ne sait. 

Tu te rappelles de la personne que tu as failli tuer, le jour de ton arrivée, s'il n'y avait jamais eu un pion qui passait dans le coin. La panique te vint. La culpabilité aussi. La peur te ronge. Puis, de manière inquiétante, tu vois le cadavre de ton ancienne victime à la place de l'élève retrouvé avant qu'une forme humaine ne le retire. Non, non, non, non. Un sanglot te vient, tes yeux débordent de larmes. Qu'est-ce qu'il se passait ? C'était quoi ce délire ? Qui était mort ? À l'idée qu'une nouvelle comme celle-là ferait un bon article, tu te traites d'insensible avant de reculer, lentement, bousculant quelques personnes aussi paniquées que toi. Tu ne dérobes certainement pas à ce pressentiment hargneux et morbide qui semble régner ici ; immédiatement, tu recommences à te morfondre. Tu te retrouves seule au cœur de ce ciel constellé de larmes sans la lune qui semble briller pour vous. Tu deviens une petite étoile qui tremble misérablement en essayant de contenir ses éclats enfantin. Une étoile qui s'éteint. Une étoile qui n'est plus. Même la présence du brun te paraît si inutile. Tu as toujours autant peur. Mais, immédiatement, à ses paroles, tu écarquilles les yeux. Des rougeurs s'installent un instant sur tes pommettes avant qu'un froncement de sourcils exprime beaucoup mieux ton anxiété. Tu as encore peur. Totalement. Même dans ses bras, les tremblements qui caressent froidement ton corps ne s'atténuent pas. Max était un idiot, un sacré imprudent... Mais à lui seul, il te rassurait tellement. Il n'avait pas l'air d'être le moins du monde impressionné, ni choqué et encore moins bouleversé. Et tu ne sais pas comment prendre sa réaction ; est-ce qu'il fallait t'inquiéter ou te dire que tout allait bien... ? Finalement, au bord des larmes, tu te loges dans ses bras, fermant les yeux, n'osant pleurer comme une fillette devant lui. Tu te cachais. Tu voulais oublier la vision épouvantable que tu venais de voir. Tu n'aurais jamais cru vouloir volontairement oublier une chose et pour cause, tu te trouvais tellement pitoyable. 


Ton âme dérobée et ton esprit envolé, tu reviens brusquement à la réalité quand des bruits de pas distingués résonnent dans l'immeuble. Tu t'éloignes doucement de Max, t'extirpant de ses étaux protecteurs avant de constater que plus personne ne bronche ni ne parle. Alors, tu crois avoir rêvé. En effet, le prétendu mort se tient débout devant toi, le visage ensanglantée et les yeux effrayants. Il semble vouloir s'adresser à quelqu'un... Jusqu'à que ses prunelles ne rencontrent ta silhouette... Les tiennes s'enflamment. Ton cœur t'hurle de t'enfuir en te contractant les poumons trop sauvagement. Mais tu ne fais qu'écarter les yeux. Carmin, violet ; ils semblaient parfaitement représenter la flaque dans laquelle le pauvre gamin devait pourtant s'y tremper au moment même... Avais-tu rêvé ?


« Qu'est-ce.. »


Try again. Tu essayes de mieux t'exprimer mais le murmure ingrat qui avait trahi le jeune homme te suspend définitivement au sol. Tu restes clouée, là, comme une idiote, tel une autruche qui ne sait plus se cacher après avoir déjà exploré un monde nouveau. Au fond de toi, tu as tellement envie de disparaître...